vendredi 1 octobre 2010

Tu vois la ligne claire ? Ben tu vas juste à l'opposé et tu rajoutes du sale.

Tout amateur du 9ème art à la française, façon sale et méchante, est forcément adepte de la maison d'édition les Requins Marteaux. Depuis 20 ans, le collectif développe une approche singulière et a réussi à créer une nébuleuse qui regroupe des talents variés, ouverts à tous supports et modes d'expression. Dénominateurs communs de toutes ces démarches, l'irrévérence et un humour corrosif voire dark qui ont fait la réputation de la maison. Ces derniers s'expriment très librement dans Ferraille, journal créé en 1996 mais qui se meurt en 2001. Deux ans plus tard, de nouvelles recrues des Requins Marteaux, les artistes Cizo, Felder et Winschluss, ressuscitent momentanément le titre qui devient Ferraille Illustré. Ils posent les bases d'une nouvelle ligne éditoriale, basée sur le détournement de classiques et de références bédéistiques, à la sauce potache mais jamais bon enfant.
L'idée qui claque : l'invention d'un rédac chef factice, Frankie Baloney, soumis à la pression d'un non moins factice mécène-en-carton, le bon Monsieur Méroll. Ce dernier, directeur général des huiles éponymes, est le fondateur de la classieuse FMAC (Fondation Méroll pour l'Art contemporain). Il a bâti son empire à partir d'une idée toute simple : « Une huile 2 en 1, à la fois délicieuse pour vos fritures et performante pour vos moteurs ». On s'incline devant l'invention de l'épopée des huiles Méroll qui remontent à l'antiquité et ont donné une nouvelle dimension aux rapports anaux, selon les historiens. On salue la création d'une mascotte pourrie, Goutix, cousin sous acide de Footix, et l'agressivité du merchandising : « Collectionne les points Méroll et gagne le 45 T de la Mérolla – le hit de l'été - ou la poupée Goutix qui pleure des larmes d' huile Méroll!».
Cohérents jusqu'au bout dans leur délire mythomaniaque, Ferraille Illustré et les Requins Marteaux organisent des expositions placées sous l'égide de la Fondation Méroll (une première a eu lieu au Lieu Unique, à Nantes). Un conseil aux parisiens : venir traîner vos guêtres à l'espace Beaurepaire où sont célébrés les 20 ans de la FMAC. L'occasion de ricaner devant un bidon d'huile Méroll géant, ou devant les pseudo-oeuvres ratées du Fils Méroll, encensé par les critiques visqueuses de la rédaction de Ferraille Illustré. Plus sérieusement, c'est surtout l'opportunité de venir découvrir ou revoir le travail des artistes de la maison (Cizo, Winschluss, Clémentine Urruty, Tanxx, Moolinex ou Deny Steve, Blex Bolex...).
Si tous les artistes exposés ne jouent pas le jeu de l'hommage au sieur Méroll, le tout se tient et on passe un bon moment à déambuler en se marrant : installations, projections des courts-métrages de Walt&Gonzo, et la possibilité de repartir avec d'anciens Ferraille, les bouquins des artistes exposés, une affiche voire un bidon d'huile Méroll... On vous laisse méditer sur la citation du mécène apposée sur la vitrine, « L'oeuvre d'art échappe à son auteur, souvent, au fisc parfois ».

Exposition du 22 septembre au 9 octobre 2010 à l'Espace Beaurepaire
28, rue Beaurepaire 75010 Paris
Tous les jours de 12h30 à 19h30
Infos pratiques : http://www.artsfactory.net/

Cette critique enthousiaste a été reprise dans le N°4 de La Mèche, nouvel hebdomadaire satirique de gens pas forcément pro-UMP.


Illustration de Tanxx. Fan de.

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