dimanche 14 novembre 2010

Comique drôle (VS comique pas drôle, catégorie navrante s'il en est)


Venu du théâtre de rue, acolyte d'Edouard Baer avec lequel il a souvent partagé l'antenne ou l'affiche, artiste polyvalent et guedin flamboyant, Arnaud Aymard incarne entre autres personnages l'absurde Oiseau Bleu. Ce volatile dégingandé en justaucorps moulant et à la cape qui volète avec grâce est le héros du conte « The Battle of the War » qu'il jouait à la Cité de la Danse les 4, 5 et 6 novembre derniers.

L'histoire ? Bah la sienne, celle du wunderbaristique Oiseau Bleu, une histoire assez impossible à raconter, parce que globalement, la trame narrative, on s'en fout et ce n'est pas exactement la colonne vertébrale de ce one-man show. Mais on se lance quand même: alors donc l'Oiseau Bleu, après une formation pour devenir coucou en Allemagne, apprend avec horreur que la Suisse est occupée par des chômeurs menés par l'immonde Chassla, le corbeau ragga-muffin, tandis que le Luxembourg ourdit un plan machiavélique visant à envahir le monde grâce à une supra-natalité galopante... Accompagné de ses fidèles compagnons Piko-Piko le hérisson et Mme Meule son employeur, l'Oiseau Bleu va tenter de sauver la Suisse, les chômeurs, et le moral défaillant du public mis à mal par la vie et ses limites. Tandis que des ballons colorés quoique facétieux occupent la scène, sous le regard tendre de l'Oiseau Bleu, qui leur distille amour et attentions pendant tout le spectacle.

Les plus rétifs des spectateurs auront mis 15 minutes à se laisser séduire : ça se marre, très fort, ça applaudit, ça entonne à plein poumons la petite chanson de l'Oiseau Bleu qui clôt chaque « acte » du spectacle, les enfants se régalent, les adultes encore plus. Interludes musicaux, prise à partie du public, discours moralisant aux relents UMPistes aux jeunes écoliers présents dans la salle, caresses sur les torses des spectateurs du premier rang...

Aller voir l'Oiseau Bleu, c'est se préparer à être suivi aux toilettes par l'artiste taquin quoique choqué de vous voir quitter la salle, c'est se marrer en tentant de suivre sa logorrhée idiote, ponctuée de poncifs politico-mes couilles, de trouvailles hilarantes et acérées, et de vrais petits moments de poésie jolie.


L'Oiseau Bleu / The battle of the war
A l'Européen, 5 rue Biot 75017 Paris, du 14 au 28 février prochains
Prix de la place : 24 euros

Ce truc pas inspiré du tout il faut bien l'admettre mais qu'est cette fougue juvénile devenue a cependant été publié dans La Mèche, hebdomadaire satyrique avec du dessin dedans.

vendredi 15 octobre 2010

It's like a japanese man high on LSD threw up on Versailles, man


Le soleil fait luire les cars de touristes parqués devant la vénérable chaumière. Devant le château, la foule de touristes extatiques grouille. Arrivés tôt, on aura la chance de ne faire la queue que quelques minutes. On sera les derniers, par la suite et après 11h, il faut se préparer à faire le planton au moins pendant une heure. Mais déjà, palpitations cardiaques agoraphobiquement induites, dissolution dans une foule qui t'entraîne et te traine et te dévisse les côtes à coups de coude rageurs. On décide d'oublier le punk qui sommeille en soi, on restera digne et poli, on voudrait bien enfin voir ce qui fait bruisser l'opinion depuis quelques temps : la confrontation du pop art manga de Murikami avec la vénérable expression du savoir-faire François incarnée par le château de Versailles.


Rage. Frustration. On peut difficilement jouir du choc visuel dans les conditions que propose le lieu. Impossible de faire la visite à son rythme, parasitage par les voix des guides, chacun veut y aller de sa photo, en gros c'est un bordel mais que l'on aura du mal à qualifier de joyeux. Néanmoins. Murakami à Versailles, ça marche, du moins parfois, lorsque les pièces dialoguent réellement avec leur environnement. Une pépée manga ultra sexy indique le sens de la visite. Un personnage Murakamien au sourire carnassier et foutage de gueule toise la peinture d'un aristocrate à la lippe choquée. Un bouddha métallique dans les tons dorés ne dépare pas au centre d'une pièce décorée de bronzes anciens. Au bout de la galerie des Glaces, explosion portnawak de fleurs rigolardes, « signature » de l'artiste. On est fascinés par les couleurs acidulées, par la texture lisse et plastique de certaines statues, ça relève de la sensualité pure, on a envie de toucher, de se dissoudre dans les roses et jaunes criards.
On constate que les visiteurs français sont essentiellement là pour Murakami, pour jauger le sacrilège. On devine qu'un certain nombre de personnes contient leur colère, on les entend ne pas comprendre, trouver cela vulgaire, choquant... Cette expo serait une insulte à la grandeur de la France, de l'opportunisme veule. Vraiment, autant que la présence de la boutique de faiseurs de macarons bien connus, située à l'entrée du château et qui doit bénir Sofia Coppola et son film « Marie-Antoinette » ? Versailles résiste les gars, et sera encore là à l'issue de l'exposition. C'est pas comme si un graffeur énervé en avait trashé le frontispice pour toujours...

La visite se fait rapidement, notamment parce que le flot humain draine assez vite vers la sortie. On se dit qu'une fois de plus, le landerneau de l'art contemporain et les polémistes de salon font beaucoup de bruit pour rien et mouillent rapidement leur slip. Au final, l'expo est distrayante, accessible à tous et fera notamment le bonheur des mômes. Ils galopent en beuglant sur la moquette psychédélique installée pour l'occasion dans une pièce, qui vire à la chambre de torture expérimentale pour adeptes de LSD. Pour les autres, il leur faudra une certaine dose de sado-masochisme pour s'infliger Versailles et sa foule anxiogène. Murakami étant de ces artistes à la cote plus qu'installée, de très nombreuses opportunités de découvrir ou revoir son travail ne manqueront pas de se présenter. Dommage qu'il faille bousiller ses nerfs et sa joie de vivre pour sourire de l'incongruité de la présence de ses œuvres à Versailles.

Cette critique centriste a été reprise dans le N°6 de La Mèche, hebdomadaire satirique de gens pas forcément pro-UMP, qui ne survivra pas sans votre soutien...

vendredi 1 octobre 2010

Tu vois la ligne claire ? Ben tu vas juste à l'opposé et tu rajoutes du sale.

Tout amateur du 9ème art à la française, façon sale et méchante, est forcément adepte de la maison d'édition les Requins Marteaux. Depuis 20 ans, le collectif développe une approche singulière et a réussi à créer une nébuleuse qui regroupe des talents variés, ouverts à tous supports et modes d'expression. Dénominateurs communs de toutes ces démarches, l'irrévérence et un humour corrosif voire dark qui ont fait la réputation de la maison. Ces derniers s'expriment très librement dans Ferraille, journal créé en 1996 mais qui se meurt en 2001. Deux ans plus tard, de nouvelles recrues des Requins Marteaux, les artistes Cizo, Felder et Winschluss, ressuscitent momentanément le titre qui devient Ferraille Illustré. Ils posent les bases d'une nouvelle ligne éditoriale, basée sur le détournement de classiques et de références bédéistiques, à la sauce potache mais jamais bon enfant.
L'idée qui claque : l'invention d'un rédac chef factice, Frankie Baloney, soumis à la pression d'un non moins factice mécène-en-carton, le bon Monsieur Méroll. Ce dernier, directeur général des huiles éponymes, est le fondateur de la classieuse FMAC (Fondation Méroll pour l'Art contemporain). Il a bâti son empire à partir d'une idée toute simple : « Une huile 2 en 1, à la fois délicieuse pour vos fritures et performante pour vos moteurs ». On s'incline devant l'invention de l'épopée des huiles Méroll qui remontent à l'antiquité et ont donné une nouvelle dimension aux rapports anaux, selon les historiens. On salue la création d'une mascotte pourrie, Goutix, cousin sous acide de Footix, et l'agressivité du merchandising : « Collectionne les points Méroll et gagne le 45 T de la Mérolla – le hit de l'été - ou la poupée Goutix qui pleure des larmes d' huile Méroll!».
Cohérents jusqu'au bout dans leur délire mythomaniaque, Ferraille Illustré et les Requins Marteaux organisent des expositions placées sous l'égide de la Fondation Méroll (une première a eu lieu au Lieu Unique, à Nantes). Un conseil aux parisiens : venir traîner vos guêtres à l'espace Beaurepaire où sont célébrés les 20 ans de la FMAC. L'occasion de ricaner devant un bidon d'huile Méroll géant, ou devant les pseudo-oeuvres ratées du Fils Méroll, encensé par les critiques visqueuses de la rédaction de Ferraille Illustré. Plus sérieusement, c'est surtout l'opportunité de venir découvrir ou revoir le travail des artistes de la maison (Cizo, Winschluss, Clémentine Urruty, Tanxx, Moolinex ou Deny Steve, Blex Bolex...).
Si tous les artistes exposés ne jouent pas le jeu de l'hommage au sieur Méroll, le tout se tient et on passe un bon moment à déambuler en se marrant : installations, projections des courts-métrages de Walt&Gonzo, et la possibilité de repartir avec d'anciens Ferraille, les bouquins des artistes exposés, une affiche voire un bidon d'huile Méroll... On vous laisse méditer sur la citation du mécène apposée sur la vitrine, « L'oeuvre d'art échappe à son auteur, souvent, au fisc parfois ».

Exposition du 22 septembre au 9 octobre 2010 à l'Espace Beaurepaire
28, rue Beaurepaire 75010 Paris
Tous les jours de 12h30 à 19h30
Infos pratiques : http://www.artsfactory.net/

Cette critique enthousiaste a été reprise dans le N°4 de La Mèche, nouvel hebdomadaire satirique de gens pas forcément pro-UMP.


Illustration de Tanxx. Fan de.

mardi 21 septembre 2010

Dys-Harmonie


La fascination white trash constitue la transgression ultime pour une moyen-orientale a vocation dissolutive - dans la république, s'entend. Apologie du moche, du médiocre, d'une certaine idée de l'americana, comme tout cela est exotique, frisson blanc sur peau mate. Alors quand on se voit proposer l'avant-première du film Trash Humpers d'Harmony Korine (soit : "Baiseurs de poubelles"), on galope avec un sourire gourmand vers la Cinémathèque Française.

Harmony Korine fut un temps un pote de Larry Clark, ils ont commis ensemble les films Kids et Ken Park. Pour résumer le travail du binôme: obsession des corps adolescents de bonne facture déchirés au crystal meth + skate culture + sexualité brutale + absurdité et sinistrose. En gros tout est moche et avec un peu de chance, on meurt à la fin, seul mais avec le sourire, pendu à son bouton de porte, après une séance de masturbation inventive (voir Ken Park pour cette référence onaniste classieuse). Efficacité clippesque, images léchées pour évoquer du propos dégueulasse : souvenirs émus... Cependant, certitude absolue que cette esthétique ne peut plaire qu'à des jeunes qui développent doucement un ABC proto-punk et à quelques vieillards priapiques.

A trente ans révolus, le regard change, il y avait des chances que le dernier Korine ne provoque pas forcément les secousses telluriques des premiers. Avant la projection, le réalisateur salue la salle d'un « Hey motherfuckers » hilare assez convenu, devant un premier rang de quarantenaires en manteaux couleur camel. Ennui. La foule bigarrée, composée de journalistes culturels et de mouches à vernissage, bruisse de tout son cachemire. L’un des hôtes de l’avant première explique, en retenant un sanglot, que les protagonistes du film, visionné il y a un an de cela, lui «ont beaucoup manqué ». On essaye de ne pas se souvenir que dans les quelques extraits visionnés sur le web, des cartes vermeil grimaçantes sodomisent des poubelles. On s'enfonce dans son fauteuil, on commence à être inquiet. On a raison.

Pendant les 40 minutes durant lesquelles on réussira à se battre contre l'envie de se barrer en hurlant que « punk is dead » et qu'il y a des limites merde, on se demande si on a pas viré vieille conne. Ce film, ce sont des trois papys/mamys gesticulateurs revêtus de tristes masques, qui refont du Jackass en beaucoup moins rigolo. Riton baise une poubelle, Jeanette masturbe une branche d'arbre, un enfant fracasse une poupée avec un marteau. Plans DVD cam à peu près flous, cuts comme même ton beau-père n'oserait pas en faire, quelques scènes de cul avec des prostituées moches. C'est ça le white trash cru 2009 ? Des vieux qui font les jeunes cons en tordant leurs tristes corps de manière obcène ? Tout est déjà vu, ou vraiment mal revisité, il ne se passe rien, on s'emmerde, c'est moche mais/et chiant, gros malaise tandis que les modeuses du public ricanent de manière hystérique en s'envoyant des regards entendus d'intelligence.

Harmony, tu nous aurais pas fait des gros doigts déguisés en film, là ? Une grosse mascarade d'occupation inepte de temps de cerveau disponible pour hypeux ? Avant la fin du film, on s'est faufilés vers la sortie, et on a poussé un grand cri primal. On a ensuite caressé les poubelles publiques avec une tendresse absolue.

Et on s’est promis de re-visionner Ken Park. Pour retrouver le Korine qui nous avait séduit : l’envie de dire quelque chose, le caramel des peaux adolescentes bronzées, l’absurdité de ces jeunes protagonistes à la rugosité minimale, qui semblent pris d’une transe cruelle et s’enlisent dans des vies rendues tristes par la conjuration des imbéciles qui les entourent. L'impossibilité du bonheur adolescent, sous le soleil californien exactement.

Cette critique fielleuse a été reprise quelque peu modifiée dans le N°2 de La Mèche, nouvel hebdomadaire satirique de gens pas forcément pro-UMP.

mercredi 3 mars 2010

You (fuckin) ruined it

Yannick Dahan dans "Opération Frisson". Une amourette d'adolescente trentenaire : sourire réjoui quand l'émission commence, regard gourmand sur l'homme qui dit les films, ses gestes, sa voix, son & lumière, le show total, son cortex plein de circonvolutions sexy, l'envie de lui lustrer le crâne et de lui ouvrir ses bières. Films de genre, expertise slasheresque, love du zombie, Steven Seagall, badass, charisme et accent Sud-Ouest : a priori si vous lisez ce blog c'est que vous êtes l'un de mes 9 amis, inutile donc de re-préciser la terminologie Dahanienne ou de faire l'article : Yannick is da man.

Mini-orgasme lorsque l'on apprend qu'il prépare un film de zombies. Envoi d'une candidature énamourée pour faire la zombie. Rejetée. Néanmoins, l'amour perdure (c'est mon côté connassonne). Le temps passe, le film se fait, sort sur les écrans. On évite de lire les critiques, on sait qu'elles ne sont pas tendres, et vu le passif du monsieur, on se dit que les gens c'est rien que des aigris vexés dans leurs dedans de filmakers ratés.

Et puis un soir on va voir La Horde. Et ça m'écorche la pulpe du bout des doigts de devoir admettre que ce film est à peu près le plus mauvais film que j'aie vu. On va dire "cette année" par politesse.

PUTAIN MAIS MEC MAIS pourquoaaa.
Pourquoi choisir des acteurs qui ne savent pas jouer et pire encore, un gars dont la voix est l'exacte réplique de celle du doubleur de Stallone époque premiers Rocky (pour de vrai, ambiance "Adrienne" et tout)?
Pourquoi la caméra tangue-à-l'épaule-style pendant 99 % du film et devient tristement statique au seul (putain de) moment où accompagner le mouvement se justifie - l'éclatage méthodique d'une tronche contre un gros pilier en béton, soit mes seules 9 secondes de bonheur?
Pourquoi ne croit-on à aucun personnage, et devant tant de transparence chiante, se raccroche-t-on désespérément au vieux papi gouailleur et à la fille sèche-quoique-abîmée-mais-techniquement-surtout-sèche (les seuls du film à avoir un peu de peau sur les os)? Comment peut-on ne pas raconter d'histoire à ce point, et ne pas tranformer l'absence de narration en un parti pris, un truc, une envie de, un Balisto ?
Pourquoi localiser l'action dans une cité apocalpytique où le sentiment d'enfermement commence avec le film : strictement aucune gradation dans l'asphyxie.
Pourquoi avoir cruellement manqué de moyens ?
Pourquoi la caméra, comme honteuse, ose à peine filmer tes zombies alors qu'on brûle de les voir ?
Pourquoi le sang effet spécial "ta grand-mère fait de la 3D ratée" dans la séquence où Stallone se retrouve entouré par la horde précitée ?

("Pourquoi" pendant longtemps si vous voulez mais en même temps demain je bosse donc bon.)

Oui, tiens, pourquoi ?

Yannick Dahan parle, vend, astique et fait briller le film (de zombie) mieux que personne. Douleur à l'idée qu'il sait forcément que son film est raté. J'aime ce mec et les films de zombie, je manque d'objectivité, je suis l'incarnation de la tendresse molle, et pourtant Christ Roi JE SUIS FOLLE DE RAAAGE.

Le manque de moyens: naha, no excuse, baby. Dead Set et Rec n'ont pas du bénéficier de moyens PIBesques, quoique certainement un peu plus gros. Et pourtant ces films claquent et hantent et j'ai lacéré mon canapé d'angle moche tellement tu sais que tout le monde va mourir dans d'atroces souffrances et qu'assez désagréablement tu sens que toi aussi si tout du moins ton petit coeur ne lâche pas.

Ton petit coeur brisé de fan de.

Plan serré sur la fille qui pleure, le front posé sur la froide vitre avec un peu de buée dessus et des chevaux qui galopent dans le champ vert fluo irlandais de ta mère de putain de film raté de même pas t'y crois tellement c'est un naufrage.

lundi 22 février 2010

So what happened to you guys


"J'aurai préféré ne pas", comme dirait l'autre.

Oui mais il est 5H14 et j'atterris ici. On fermera les yeux sur la date cliché : rapport à ce que dans deux jours, j'ai trente et un ans. Marrant comme on se soumet aux dates anniversaire, comme on sacrifie au rituel de l'auto-évaluation annuelle.

Alors dis donc la fille, on dit quoi à 31 ans ?

On dit qu'on essaye de ne pas trop réfléchir à la nécessité de revenir ici. Voui, "nécessité", mais carrément. Mue par. Depuis quelques mois, tourbillon perso et taffologique, sacs, avions, métros, taxis, chez lui, chez moi. On se dit que ça doit être ça, la vie, le mouvement, les jupes qui tournent, la légèreté, oublier l'anniversaire de son filleul, sentir qu'on est beaucoup moins là pour ces autres que l'on aime mais avec qui on ne dort pas, culpabiliser, et puis s'en remettre, rapport à cet égoïsme forcené que l'on développe lorsque l'on est heureux.

Plus de place pour les plages de self-examination. On se rend compte avec effarement qu'on a besoin de se poser, seule, de dire les mots. On aurait vraiment dû faire Lettres Modernes.

On dit qu'on constate qu'on se ruine en baume à lèvres parce que les labiales s'activent beaucoup en ce moment. Un mec qui fait rire, c'est la classe, mais ça coûte cher en hydratation du sourire. On admet cependant que si la présence du susnommé distille beaucoup de joli, certaines problématiques émergent, et d'autres, plus anciennes, ne se dissipent pas. On est pas étonné, on avait juste oublié le goût âpre et persistant de l'angoisse nocturne.

Le déclencheur : on brunchait ce midi, rencontrage de nouvelles têtes, et une appréhension. LA question. "Tu fais quoi, toi, dans la vie ?". Avec les gens qui indiffèrent, c'est très facile, on crache quelques mots clés en "c": cadre, communication, corporate, on prend sa voix grave, on formule des phrases synthétiques et sans appel, et on laisse agir. Généralement ça fonctionne, on est validée, on est parisienne trentenaire, on fait des prez power point, on lit Stratégies, tout va bien.

Mais avec les autres ? On évoque les contours de son activité salariée avec fiel et cynisme, on liste ses clients en simulant la pendaison, langue qui pend tout ça, on explique très vite que ça paie les chaussures de pute et les week-ends à Rome, on dit cependant que tout ça va changer, rapport à ce qu'on a qu'une vie et que bon, il s'agirait d'en faire quelque chose. On sourit très fort (application de baume). On se tord les doigts sous la table. On irait bien courir nue dans les graminées en chantant du Ministry.

Une bonne âme évoque des pistes de sortie de crise : bilan de compétences, formation (année sabbatique dans le Peshawar, changement de sexe, apprentissage de la cuisine Kirghize). On opine du chef, on sait que c'est ça la Vérité. Rha, toute cette énergie qui devrait être mise à définir ce putain de Nouveau Projet Professionnel à Haute Valeur Ajoutée en Kiffance. Enfin identifier l'occupation qui, de 9 à 19h, ne donnera pas envie de s'immerger dans un fût d'alcool au sortir du bureau.

On a du mal à y croire cependant. Ca fait partie des choses folles que les Autres font : passer le permis de conduire, avoir un enfant, contracter un prêt au logement. Projection, assumation de l'âge adulte, définition d'objectifs > identification des moyens à déployer pour les atteindre > goldorak go.

Insomnie.

dimanche 27 décembre 2009

Mue nécessaire, le retour (la boucle > bouclée)


Il y a un an, retour de Hong-Kong, reboost après des mois, voire des années de petite mort, d'enlisement dans un cloaque abject, dépressif, fangeux et onctueux. Par lequel, techniquement, il semble que nous devions tous passer - si tant est que nous soyions munis de cerveaux et d'un parcours de vie classique ponctué par ce qu'on appelle "de violentes prises de murs dans la face".


Tenir ce blog est apparu comme une contrainte saine, une sortie de crise, un jouet qui obligerait à faire, lire, voir puis raconter, un exercice de pseudo écriture, un media à la ligne rédactionnelle floue, une activité terriblement égoïste - blogosphère my ass - assez jouissive aussi, un trait d'union en direction de ceux qui sont loin, un rendez-vous avec mes doigts qui courent, un rituel de fille bourrée qui, une fois rentrée chez elle en tanguant, a préféré opter pour le tapotement des touches plutôt que le chialage de veau sous la mère sous la douche.


Un an après, constat fébrile. Le moral qui va mieux, dé-Soulagisation du quotidien, de la couleur par touches discrètes, un biotope perso assaini, une situation de moins en moins psychédélique au travail, mais de plus en plus intolérable rapport au bonheur éprouvé à ne pas y être, prise de distance bienvenue même si encore un peu de chemin à effectuer. De jolies parenthèses avec les gens aimés, moments pansements qui ont fait beaucoup de bien et ont permis la reconstruction.


Des esquisses de projets autres, des aspirations nouvelles, l'envie d'investir d'autres lieux, du temps à consacrer à d'autres choses font que je n'ai plus besoin de ce blog et je n'ai plus envie d'y écrire.

Merci à ceux qui ont commenté, qui ont dit des mots, envoyé du chaud et validé la petite musique. Outre les gens vivants, elle voudrait aussi remercier la musique white trash métal de ses 13 ans - qui a activement participé à sa résurrection - ainsi que (dans le désordre) le vin rouge, les films d'horreur, les voyages, la SF, une dizaine de paires de chaussures à talons de pupute et le caramel au beurre salé, quelle que soit la forme divine qu'il choisit d'emprunter.


(Elle battit des mains et s'enfonça en frissonnant dans la forêt...)