dimanche 27 septembre 2009

De la bonne santé de la filière avicole française

Après une semaine assez remarquablement merdique, une soirée de décompensation s'imposait, avec alcoolisation massive. Généralement, on sent ce genre de nuits arriver, on sait qu'au vu de la tension amassée, il faudra se faire un peu de mal avec de l'alcool pour retrouver sa capacité à la joie, pouvoir rire à nouveau comme une cougourde, ce genre de trivialités.

On se doute qu'on finira raide en esquissant des chorégraphies fluides et maîtrisées dans la rue noire avant que de prendre le taxi. On espère ne pas se battre, ni vomir. C'est juste la Zone de Flou, celle qui précède l'heure du coucher-bourré, qui restait à préciser. Tournée de bars ? Soirée-en-appart ? Sortir dans un endroit dehors avec de la musique forte (regard pas convaincu) ?

Et puis vu qu'on est convié à la Monsieur Poulet Party III organisée par des gens sympathiques et de bonne qualité comme leur T-Shirts*, on se dit que bon, on va tenter de bouger en soirée comme disent nos benjamins, même si globalement on en sort souvent déçue (musique de merde), choquée (on est la plus vieille) ou ruinée (tarifs de merde).

Après une mise en jambe indispensable (des bulles, plein, parce qu'on était passé fêter les trente ans d'une coupine), il est deux heures et on arrive à la Bellevilloise où se tient la teuf. Une fois sur place, plein d'indicateurs rassurants sur la poursuite de la soirée. Notamment, la programmation musicale classieuse : il est assez totalement jouissivo-réconfortant d'entendre dans le cadre d'un même mix Dizzee Rascal, Balkan Beat Box (oué) et David Bowie. Le tout suivi par une session d'n'b/breakbeat de bonne tenue. La faune était sympathique : pas de puanteur hype, pas de majorité de gamins prépubères (juste ce qu'il faut pour être bien contente d'avoir trente piges), des sourires mais pas d'excess conviviality en carton.

On aime. On était tellement en mode gentillo-festive qu'on a laissé deux blondes renverser leur bière sur soi sans les droiter (mais sans se priver pour autant de rugir intérieurement "ma nouvelle jupe Sessun baaande de saloooooopes") et qu'on a joué son rôle d'Aimant à Boulet** sans jeté de verre à la gueule.

Donc on ira sereinement à la prochaine Monsieur Poulet Party, sans jupe de pouffe-pouffe, un peu moins torchaoui et on mettra son T-shirt Meussieu Poulet (celui dessiné par Margaux Mottin qui bon déchire assez totalement dans le genre t-shirt de meuf avec un dessin) pour faire genre intégrée.

* "Monsieur Poulet est un site Internet participatif de vente de vêtements et d'accessoires issus du commerce équitable, où artistes et passionnés se rencontrent quotidiennement autour d'un concours permanent et rémunéré".

**Aimant à Boulet : fille qui attire systématiquement les 5 mecs les plus lourds, bourrés ou révoltants de vulgarité du lieu où elle se trouve.

mercredi 23 septembre 2009

Massage gingival (y'a des soirs où le titre ne vient juste pas)

Bosser 15 heures par jour.

Au privé, systématiquement mettre fin à des moments de chaleureuse convivialité par un "Wo djis, je rentre je dois finir un truc pour le boulot", "Palsembleu, je file, je me couche tôt car j'ai une journée d'enculeur de maman demain", "Diantre, ce soir j'ai douze xanax à piler et laisser se dissoudre sur mes globes oculaires afin de respirer de manière fluide alors au revoir les amis".

Au travail, voir les plus jeunes qui perdent le rebondi de leurs joues, tapoter maternellement sur des mains, ne servir à rien, offrir une clope ou un café, un peu alléger les gens en sachant pertinemment que demain dès l'aube, il faudra les charger à nouveau. Que dès qu'une mission s'achève, une autre te sera confiée. Tu dispatcheras (vomir) la to do (vomi) à celles et ceux avec lesquels tu bosses, tu les regarderas verdir.

De ton côté, tu verdiras aussi. Fatigue, usure, plus trop comprendre, encaisser les deadlines, mail, reporting, boum, cocher deux trucs sur ta liste de trucs à faire, fumer une clope, deux, avoir envie de gentiment fermer la porte, te retrouver d'un coup dans cette nouvelle de Brett Easton Ellis où l'on t'intime de Disparaître Ici.

Molly Goodspeed

Tu ne bloggeras plus trop, parce que tu voudrais conserver ton mojo de ces dernières semaines et ne pas tout salir partout avec un post visqueux de mal-être. Mais ce soir point de mal-être (enfin si un peu mais c'est fini, un demi-litre de gen maicha - thé japonais aux céréales soufflées - et c'est reparti, sugoï, super, pouet, ta mère sans déconner, vos mères en général).

Puis la litanie :
  • Rock star > pas de talent
  • Egérie punk > pas assez belle meuf
  • Pute > pas assez technique
  • Femme entretenue > pas assez geisha et je ne sais pas faire des plans de table ingénieux
  • Autre travail sérieux > ouais mais en fait non
Taxidermiste ? Personal shoppeuse ? Marchande de primeurs ? Spécialiste des nanotechnologies ? Spin doctor ? T-Shirt de Guns'n Roses ? Skateuse ? Ba be bi bo bu ?

Hedi Slimane

samedi 12 septembre 2009

I got the poison, I got the remedy

Auto-navrage total. Vu le dernier Audiard, Un prophète. Douze heures plus tard, la seule chose que je suis capable de haleter et restituer, c'est : "Tahaaaaaaaaaaaaar".


Putain mec mais arrête d'être bonne comme ça. Mais alors bonne-bonne. Bonne de "J'aimerai beaucoup rencontrer ton agent afin qu'on parle négo, que je lâche le cash, t'attache, t'emmène chez moi et te viole rituellement pendant 15 ans. Après tu pourras partir et moi dormir, d'accord Tahar ?".


Ce genre de séduction vénéneuse totale, chez un mec, qui fonctionne même via écran interposé, c'est pas souvent. Je cœur de pierre. C'est d'autant plus dur quand tu vas voir le film avec un mec, à la sortie, tu voudrais tellement qu'il soit une meuf, mais juste 10 secondes, le temps que vous vous rouliez par terre en hurlant "Tahar" et en secouant les cheveux, les larmes aux yeux et la lèvre inférieure qui tremble.


Après tant d'hormonal, difficile d'enchaîner sur un truc de fond à dire sur le film. Tahar meilleur acteur de l'Arabie Heureuse Internationale? Nan ok, sérieusement : narration, dialogues, rythme, plans, stupéfianto-sublimes scènes oniriques, seconds rôles charismatiques en diable (Ryad, Jordi le Gitan, Lattrache de Marseille), même la bande-son : tout est impeccable.

On devait rejoindre une soirée après le visionnage, mais avec mon pote, nous n'avons pu que ramper jusqu'au troquet à touristes le plus proche pour psalmodier des critiques dithyrambiques et soupirer, tout choqués heureux, "on a vu un putain de bon film".

Et puis pour une fan de Oz, la prison reste le plus riche des biotopes pour dire ce qui se passe dehors, en te retournant les tripes anticlockwise (et avec un bon numerus clausus de mecs bonnes souvent à poil - rhaaa les scènes de douche).

Ryan O'Reily, roi des Irlandais dans la prison de Oz
et fantasme N°1 de mes nuits en 2007, 2008 et Q1 2009


Lu la critique d'une journaliste qui trouvait dommage de voir se renforcer certains clichés (les Corses, les dominantes ethniques en milieu carcéral, etc). La prochaine fois, promis, le film fera focus sur le Gang des Suisses et la mafia Suédoise, et leur rôle prégnant dans le Bad Biz français, ma'me la journaliste. On sortira ainsi du convenu.

(Je ne sais pas si je vous ai déjà dit que j'ai un problème avec les journalistes. J'y reviendrai une fois qu'il sera résolu).

Celle-là, ç'aurait été dommage de s'en priver
Tahar, tu ne bouges pas, j'arrive et je compte tes poils et tes pores
Et je recompte après pour être sûre de n'avoir pas fait d'erreur


Je dédicace ce film à ma nièce Louise, petit machinou corso-libanais
volcanique et attendrissant,
qui se sentira forcément très partagée pendant le visionnage.
Courage, petite, le sang de deux peuples euh particuliers coule dans tes veines.


samedi 5 septembre 2009

J'aime beaucoup ce que vous faites...

Histoire d'un garçon, qui représente un tiers de ma vie en cumulé. Nos 20 ans, cette demi-tonne de conneries commises ensemble, la fin des études, notre arrivée conjointe et brutale dans le biotope "travail", le rabotage par le papier de verre de la vie professionnelle, la fatigue, l'impossibilité de dire à qui que ce soit d'aller se faire enculer, la rage, les premiers gestes d'humeur... Au fil des années, l'usure comme on l'appelle, les amis parfois très peu fédérateurs, s'éloigner, évoluer dans des sphères différentes, ne plus être ensemble en fait, avoir du mal à négocier "l'après", savoir cependant qu'on a aimé, et qu'on a été aimée, jouir de ce bonheur, mettre le joli sous boîte hermétique, pour y revenir une fois le "pretty uncool mood" passé.

Et puis un jour, on apprend qu'il expose chez Agnès B, à la rentrée, et on est dans les aigus ("hiiiiiiiii"), fière, on voudrait hurler qu'on le savait, té, que les yeux des gens finiraient par admettre son talent. Alors quand il demande, pas sûr du côté "super bonne idée" du truc, un texte biographique à intégrer au catalogue, on est émotion, on aime bien écrire et puis on maîtrise son sujet, merde.

"Grandir à Beyrouth. Assister au chaos le plus absolu, à l’hystérie des adultes, comprendre très vite les contraintes d’une vie en période de guerre, trouver les refuges. La géographie de la ville et le rythme des bombardements circonscrivent le terrain de jeu de Dem à un espace réduit. Sa mère l’initie au dessin, il ne lâchera plus ses crayons.

Il dessine, découvre l’univers torturé d’auteurs comme Moebius, dévore du Comics au kilomètre, reproduit les silhouettes des super héros, bave devant celles plus dénudées des pépées de Manara.

En attendant de grandir, il joue à la guerre, observe tout et en restitue le fruit en dessinant, ça va du flingue super sophistiqué au monstre lovecraftien. Dem aime aussi les images qui bougent, elles constitueront les fondations d'un univers qui repose sur le second degré et le portnawak : il ingère pendant des heures séries Z, films de kung fu ou zombies et sous séries moyen-orientales kitsch. Les contours d’un travail graphique plutôt dark et biberonné à la sous-culture émergent.

Dem emménage à Paris à l’adolescence et se mange ce que l’on appelle trivialement une grosse claque. Il découvre un autre biotope urbain, d’autres codes, d’autre gens. Hormones en bandoulière, tout ce qui relève d’une culture urbaine testostéronisée sera approché, vécu et restitué par un Dem scotché par toutes les possibilités que recèle Paris. Il bloque sur le métro et découvre le graffiti, qui reste sa seule passion au long cours. Volatile, l’animal a traîné dans les sphères métalleuses, rap , techno ou punk. Sans en arborer les couleurs : organisés en tribus, les gens deviennent cons et ça ne l'amuse pas, il se préfère franc-tireur et cocufie allègrement tous les sous-groupes qu’il intègrera.

Son identité repose sur sa double culture, et pour rester cohérent, il prend un plaisir pervers à ériger le « grand écart » comme style de vie. Il passe en souplesse des quartiers les plus blings aux concerts hardcore, des free parties en forêt à des sessions de tenage de murs, il se dissout dans ses contradictions et découvre au final que cette capacité à évoluer dans toutes les sphères lui permet d’obtenir un champ d’expérimentation illimité. Il ouvre les yeux et se frotte les mains.

A trente ans passés, Dem continue à explorer les sous-cultures et leur théâtre : la ville. Urbain par essence, il continue à trouver ce qui l’inspire en ridant les rues parisiennes et ne s’interdisant aucune influence ou technique. De sa passion graffologique, Dem a retenu la lettre et la soumet depuis plus de 18 ans à des tortures dignes du bondage le plus tordu."

Donc en clair, allez voir cette expo sinon vous développerez une pathologie ridicule des couilles et décéderez dans des souffrances abjectes.

Graffiti, Etat des lieux
Galerie du Jour / Agnès B
Vernissage le 8 septembre, l'expo dure jusqu'au 10 octobre

44 rue Quincampoix - 75004 Paris

mardi 1 septembre 2009

(it's like : I need a title, but i can't get one)

(S., je t'avais dit que je le ferais alors je le fais, mais alors, ça va être mauvais. Incapacité à prendre le recul nécessaire, mettre en perspective ou trouver le bon mot. Ma zone de flou personnelle, c'est le moyen-orient. Ca touche tout de suite aux conduits lacrymaux et à cette colère qui me fait bander les muscles et débander la joie de vivre. Ca finit toujours sur la certitude de ne jamais me reproduire (il ne faut pas non, regarde les cons). Et à ne jamais accorder de crédit à une démarche ou un discours avec du politique dedans. Bullshit, ce qui compte, c'est la thune qui te permettra de monter avec célérité dans le premier avion que la MEA pourra affréter et la longueur du bras de ton cousin qui connaît l'ambassadeur. Ou ta capacité à faire des films, de la musique ou des trucs avec des crayons pour sortir le mal et arrêter de ressasser)

(transition)


Alors The time that remains d'Elia Suleiman. Vous êtes à priori un lectorat cinéphile, vous avez lu les Inrocks ou un blog, vous savez les mots clés :
  • Keatonien slash clown triste
  • Contemplatif
  • Souci de rythme
  • Approche ironico-onirico distanciée
  • Je jamais crier les choses, les sussurer et effectuer quelques pas à la Gene Kelly en guise de pied de nez
  • And so on
C'est vrai. Tout cela est vrai, argumentable, démontable, redessinable à la sanguine, fixable au spray. Je vais avouer la vérité. J'aime le travail d'Elia Suleiman. Mais aussi : j'ai (partiellement) (en outre quoi) payé 8 euros 50 pour le fait d'entendre quelques mots de ma langue, de mon dialecte, si peu connu ici, atrocement parodié par le blaireau de base, sali par des sons gutturaux qui me sont étrangers, pierreux, arides. Une langue qui sait dire l'absurde et les vannes de cul avec un talent certain.

Is that loads of fun or what ?

Quitte à dire la vérité, plutôt que de rewriter du déjà lu, peut-être admettre que la scène sur laquelle j'ai le plus bloqué, c'est celle où j'ai vu madame ma mère. (Ce qui est injuste, vu le nombre d'autres scènes remarquables et je m'en excuse).

Alors : c'est la maman d'Elia, quand il revient de son exil, il la retrouve, elle a vieilli forcément, est un peu forte, a un look de merde elle qui fut si coquette, elle ne dit plus grand chose, elle a 16 ans d'âge mental et défonce les petits gâteaux la nuit alors qu'elle est diabétique. Petite sotte mignono-poignante.

Un soir, elle est sur le balcon. Assise toute droite et raide, elle se fait chier (sur le balcon). La nuit tombe et un feu d'artifice commence. Sa bonne asiatique (un incontournable nauséabond du middle-eastern lifestyle) l'entoure de ses bras et lui dit "wouah c'est beau le feu d'artifice madame" ("yiii, chou hélo eul feu d'artifice ya madaaaame" en philippino-rebeu).

Le problème c'est que niveau sonore, un feu d'artifice, ça ressemble méchamment aux bombardements. Le bras qui entoure la mère prend une autre dimension, se fait extension du mien, devient protecteur, noueux et éventuellement armé d'une kalash, dans ma vie rêvée de grande fille. Parce qu'en vrai, quand la bombe explose et que je bégaie du cerveau, c'est ma daronne de 80 ans qui me rassure et me sert un whisky en pensant que décidément, cette petite est quand même une couille molle.

J'ai payé pour me lever en trombe et foncer pleurer aux toilettes parce qu'il est un moment où observer les gens arrêter de vivre la vie et subir celle qu'ont décidé les autres sans trop faire un audit participatif et citoyen, ça devient insoutenable.

La chanson du générique de fin est, à cet égard, euh réussie. "Staying alive".

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