vendredi 15 octobre 2010

It's like a japanese man high on LSD threw up on Versailles, man


Le soleil fait luire les cars de touristes parqués devant la vénérable chaumière. Devant le château, la foule de touristes extatiques grouille. Arrivés tôt, on aura la chance de ne faire la queue que quelques minutes. On sera les derniers, par la suite et après 11h, il faut se préparer à faire le planton au moins pendant une heure. Mais déjà, palpitations cardiaques agoraphobiquement induites, dissolution dans une foule qui t'entraîne et te traine et te dévisse les côtes à coups de coude rageurs. On décide d'oublier le punk qui sommeille en soi, on restera digne et poli, on voudrait bien enfin voir ce qui fait bruisser l'opinion depuis quelques temps : la confrontation du pop art manga de Murikami avec la vénérable expression du savoir-faire François incarnée par le château de Versailles.


Rage. Frustration. On peut difficilement jouir du choc visuel dans les conditions que propose le lieu. Impossible de faire la visite à son rythme, parasitage par les voix des guides, chacun veut y aller de sa photo, en gros c'est un bordel mais que l'on aura du mal à qualifier de joyeux. Néanmoins. Murakami à Versailles, ça marche, du moins parfois, lorsque les pièces dialoguent réellement avec leur environnement. Une pépée manga ultra sexy indique le sens de la visite. Un personnage Murakamien au sourire carnassier et foutage de gueule toise la peinture d'un aristocrate à la lippe choquée. Un bouddha métallique dans les tons dorés ne dépare pas au centre d'une pièce décorée de bronzes anciens. Au bout de la galerie des Glaces, explosion portnawak de fleurs rigolardes, « signature » de l'artiste. On est fascinés par les couleurs acidulées, par la texture lisse et plastique de certaines statues, ça relève de la sensualité pure, on a envie de toucher, de se dissoudre dans les roses et jaunes criards.
On constate que les visiteurs français sont essentiellement là pour Murakami, pour jauger le sacrilège. On devine qu'un certain nombre de personnes contient leur colère, on les entend ne pas comprendre, trouver cela vulgaire, choquant... Cette expo serait une insulte à la grandeur de la France, de l'opportunisme veule. Vraiment, autant que la présence de la boutique de faiseurs de macarons bien connus, située à l'entrée du château et qui doit bénir Sofia Coppola et son film « Marie-Antoinette » ? Versailles résiste les gars, et sera encore là à l'issue de l'exposition. C'est pas comme si un graffeur énervé en avait trashé le frontispice pour toujours...

La visite se fait rapidement, notamment parce que le flot humain draine assez vite vers la sortie. On se dit qu'une fois de plus, le landerneau de l'art contemporain et les polémistes de salon font beaucoup de bruit pour rien et mouillent rapidement leur slip. Au final, l'expo est distrayante, accessible à tous et fera notamment le bonheur des mômes. Ils galopent en beuglant sur la moquette psychédélique installée pour l'occasion dans une pièce, qui vire à la chambre de torture expérimentale pour adeptes de LSD. Pour les autres, il leur faudra une certaine dose de sado-masochisme pour s'infliger Versailles et sa foule anxiogène. Murakami étant de ces artistes à la cote plus qu'installée, de très nombreuses opportunités de découvrir ou revoir son travail ne manqueront pas de se présenter. Dommage qu'il faille bousiller ses nerfs et sa joie de vivre pour sourire de l'incongruité de la présence de ses œuvres à Versailles.

Cette critique centriste a été reprise dans le N°6 de La Mèche, hebdomadaire satirique de gens pas forcément pro-UMP, qui ne survivra pas sans votre soutien...

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