mardi 21 septembre 2010

Dys-Harmonie


La fascination white trash constitue la transgression ultime pour une moyen-orientale a vocation dissolutive - dans la république, s'entend. Apologie du moche, du médiocre, d'une certaine idée de l'americana, comme tout cela est exotique, frisson blanc sur peau mate. Alors quand on se voit proposer l'avant-première du film Trash Humpers d'Harmony Korine (soit : "Baiseurs de poubelles"), on galope avec un sourire gourmand vers la Cinémathèque Française.

Harmony Korine fut un temps un pote de Larry Clark, ils ont commis ensemble les films Kids et Ken Park. Pour résumer le travail du binôme: obsession des corps adolescents de bonne facture déchirés au crystal meth + skate culture + sexualité brutale + absurdité et sinistrose. En gros tout est moche et avec un peu de chance, on meurt à la fin, seul mais avec le sourire, pendu à son bouton de porte, après une séance de masturbation inventive (voir Ken Park pour cette référence onaniste classieuse). Efficacité clippesque, images léchées pour évoquer du propos dégueulasse : souvenirs émus... Cependant, certitude absolue que cette esthétique ne peut plaire qu'à des jeunes qui développent doucement un ABC proto-punk et à quelques vieillards priapiques.

A trente ans révolus, le regard change, il y avait des chances que le dernier Korine ne provoque pas forcément les secousses telluriques des premiers. Avant la projection, le réalisateur salue la salle d'un « Hey motherfuckers » hilare assez convenu, devant un premier rang de quarantenaires en manteaux couleur camel. Ennui. La foule bigarrée, composée de journalistes culturels et de mouches à vernissage, bruisse de tout son cachemire. L’un des hôtes de l’avant première explique, en retenant un sanglot, que les protagonistes du film, visionné il y a un an de cela, lui «ont beaucoup manqué ». On essaye de ne pas se souvenir que dans les quelques extraits visionnés sur le web, des cartes vermeil grimaçantes sodomisent des poubelles. On s'enfonce dans son fauteuil, on commence à être inquiet. On a raison.

Pendant les 40 minutes durant lesquelles on réussira à se battre contre l'envie de se barrer en hurlant que « punk is dead » et qu'il y a des limites merde, on se demande si on a pas viré vieille conne. Ce film, ce sont des trois papys/mamys gesticulateurs revêtus de tristes masques, qui refont du Jackass en beaucoup moins rigolo. Riton baise une poubelle, Jeanette masturbe une branche d'arbre, un enfant fracasse une poupée avec un marteau. Plans DVD cam à peu près flous, cuts comme même ton beau-père n'oserait pas en faire, quelques scènes de cul avec des prostituées moches. C'est ça le white trash cru 2009 ? Des vieux qui font les jeunes cons en tordant leurs tristes corps de manière obcène ? Tout est déjà vu, ou vraiment mal revisité, il ne se passe rien, on s'emmerde, c'est moche mais/et chiant, gros malaise tandis que les modeuses du public ricanent de manière hystérique en s'envoyant des regards entendus d'intelligence.

Harmony, tu nous aurais pas fait des gros doigts déguisés en film, là ? Une grosse mascarade d'occupation inepte de temps de cerveau disponible pour hypeux ? Avant la fin du film, on s'est faufilés vers la sortie, et on a poussé un grand cri primal. On a ensuite caressé les poubelles publiques avec une tendresse absolue.

Et on s’est promis de re-visionner Ken Park. Pour retrouver le Korine qui nous avait séduit : l’envie de dire quelque chose, le caramel des peaux adolescentes bronzées, l’absurdité de ces jeunes protagonistes à la rugosité minimale, qui semblent pris d’une transe cruelle et s’enlisent dans des vies rendues tristes par la conjuration des imbéciles qui les entourent. L'impossibilité du bonheur adolescent, sous le soleil californien exactement.

Cette critique fielleuse a été reprise quelque peu modifiée dans le N°2 de La Mèche, nouvel hebdomadaire satirique de gens pas forcément pro-UMP.

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